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ALAIN JUPPE.com__________________________________________
10 avril 2010

JOURNAL LE MONDE:''Nous avons besoin de rassemblement" par A.Juppé

L'ex-Premier ministre Alain Juppé affirme qu'il n'est pas «anti-Sarkozy» mais il n'a «jamais cru à la rupture» chère au chef de l'Etat et redit être prêt à présenter, le cas échéant, une «offre» alternative pour 2012, dans un entretien au Monde daté de dimanche-lundi.

Alain Juppé : "Je n'ai jamais cru à la rupture"

Alain Juppé est entré en campagne. Pas contre Nicolas Sarkozy qui, assure-t-il, "reste le candidat naturel de la droite en 2012" mais en alternative, si d'aventure le président de la République décidait de ne pas se représenter. Dans l'entretien qu'il accorde au Monde, trois semaines après l'échec de la droite aux élections régionales, le maire de Bordeaux se démarque de "la rupture" que M. Sarkozy a voulu incarner. Face au "pessimisme" des Français, il appelle au "rassemblement", défend l'idée d'une grande réforme fiscale et revendique l'héritage "gaullo-chiraquien".

Qu'arrive-t-il à Nicolas Sarkozy ?

Après la sarkofolie, la sarkophobie ! Une partie du désamour est incontestablement liée au style, mais il faut relativiser les mouvements d'opinion. Il y a deux mois, Barack Obama était au fond du trou, il a fait voter la réforme de l'assurance-maladie et repris la main. Tout cela va et vient.

Plus profondément, la crise économique, que personne n'avait prévue, a complètement changé le regard de l'opinion publique sur l'action de Nicolas Sarkozy. C'est en grande partie injuste, car il a bien géré la crise.

Alors, d'où vient l'erreur ?

Peut-être du rythme des réformes. On ne peut pas tout faire en même temps, en bousculant trop d'habitudes à la fois, et en coalisant trop de mécontentements.

C'est cela qui s'est manifesté dans les urnes, lors des élections régionales. La réforme des collectivités territoriales dans son calendrier et ses modalités nous a coûté cher. Elle a permis à l'opposition socialiste de mener une campagne forcenée qui a marqué l'opinion. On a sous-estimé le pouvoir d'influence que représentent 600 000 élus.

Faut-il abandonner la réforme ?

Non, maintenant qu'elle est lancée, autant aller jusqu'au bout. Elle a des aspects positifs, notamment sur le rapprochement possible entre le citoyen et le futur conseiller territorial

Comprenez-vous le recul de Nicolas Sarkozy sur la taxe carbone ?

Quand quelque chose n'est pas compris, mieux vaut se donner le temps de rectifier le tir. Mais on ne peut pas se contenter de dire qu'on va attendre que les Européens se mettent d'accord sur une taxe carbone aux frontières. D'autres pays, comme la Suède, ont verdi leur fiscalité sans souffrir d'une perte de compétitivité

Le sénateur UMP Alain Lambert affirme que Nicolas Sarkozy ne doit pas se représenter en 2012, parce qu'"il n'est pas en situation" de faire gagner la droite. Est-ce aussi votre avis ?

Non, le candidat naturel de la droite en 2012, c'est Nicolas Sarkozy. Mais s'il advenait qu'il décide de ne pas se représenter, l'UMP devra organiser des primaires. Dans ce cas, j'envisagerai de concourir.

Donc, vous êtes porteur d'une offre alternative ?

Soyons modestes. Le quotidien Sud-Ouest a récemment commandé un sondage : 34 % des Français pensent que je ferais un bon président de la République, 65 % sont d'un avis contraire. Mais, après tout, on peut penser que pour quelqu'un qui n'est pas très présent dans le débat national, cela constitue une bonne base de départ. Je vais préciser mon offre autour de deux ou trois sujets qui me tiennent à coeur.

D'abord, le pessimisme des Français. Nous sommes le peuple le plus pessimiste d'Europe, alors que nous avons un très haut niveau de vie, des atouts formidables, un sentiment de vie agréable dans les villes.

Mais il y a la peur de la mondialisation, une perte de confiance des citoyens dans leurs élus, des Français les uns envers les autres. J'ai trouvé détestable tout ce qui était de nature à monter les communautés les unes contre les autres, à l'occasion du débat sur l'identité nationale. Nous avons besoin de rassemblement, de réconciliation, de recherche du consensus pour essayer de progresser.

Vous n'adhérez pas à l'idée d'une loi d'interdiction générale de la burqa, comme le plaide Jean-François Copé ?

Non. Soyons clairs ! Cette pratique, qui n'est pas une prescription religieuse mais une habitude importée de certaines zones géographiques, est contraire aux valeurs de la République. Mais une loi générale risque de donner le sentiment d'une stigmatisation de l'islam. Le premier ministre a choisi la bonne démarche en demandant l'avis du Conseil d'Etat sur les mesures qui s'imposent. On devrait suivre cet avis.

L'idée de rassemblement est à la mode. Des socialistes comme Manuel Valls appellent à un pacte national sur les retraites. Vous y croyez ?

Oui, parce que le constat est consensuel et qu'on sait sur quels paramètres jouer : la durée de cotisation, l'âge réel de départ à la retraite, le tout en intégrant la pénibilité. Quand on est au pied du mur et qu'on doit assumer ses responsabilités, il n'y a pas trente-six solutions. Le lapsus de Martine Aubry lorsqu'elle a évoqué l'âge de la retraite n'en était, à mon avis, pas un.

Quelles réformes préconisez-vous pour lutter contre le mal-être français ? Un paradoxe me frappe : nous avons le système de protection sociale le plus sophistiqué du monde, et pourtant la pauvreté et la précarité augmentent, ainsi que le sentiment d'injustice. Cela nous oblige à prendre à bras-le-corps la question du logement, notamment pour les travailleurs pauvres, et à remettre à plat tout notre système fiscal, pour le rendre efficace et plus juste. Il faut s'interroger sur le rapprochement entre l'impôt sur le revenu et la CSG, la retenue à la source, la modulation de l'impôt sur les sociétés, la TVA qui n'est pas l'impôt abominable décrit par certains. Elle est neutre sur le plan de l'investissement, taxe les textiles chinois que nous importons, mais épargne les Airbus que nous vendons à l'étranger. TVA sociale, TVA verte, il ne faut rien s'interdire dans la réflexion.

Propos recueillis par Françoise Fressoz et Sophie Landrin

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